dimanche

SDF

Alors que je marche avec une amie dans les rues piétonnes, un type nous interpelle : "s'il vous plaît, on est SDF..." Je lui réponds aussitôt : "tiens, moi aussi !" Il me détaille alors ostensiblement du regard, de la tête aux pieds. Veste en cuir, jean, chaussures cirées... Je suis rasé et propre. Avec mépris et agressivité : "Vous êtes SDF, vous ?" "Oui, j'habite dans mon camion". J'aurais pu ajouter qu'ayant été volé en début de semaine, je n'avais pas une pièce à lui donner. Mais bon, le mec lâche l'affaire, décontenancé.

Ca commence à me saouler ces images d'Epinal dans lesquels les SDF sont tous, par le seul fait d'être SDF, dans la merde, à aider et à sortir de cette condition absolument. De force s'il le faut. Le pendant de cet amalgame, c'est l'incapacité de la société à imaginer qu'on puisse ne pas avoir de domicile fixe par choix. On le sait, pour toutes les démarches, auprès des administrations, auprès des banques, pour faire une facture, pour tout, avoir un "domicile" est incontournable. Au point que les associations d'aide (aux SDF) permettent qu'on se domicilie chez elles. Quid des nomades, vagabonds, voyageurs, gens du voyage, troubadours ou moines gyrovagues ? Quid des gens qui ont envie qu'on leur lâche un peu la grappe ?

Un SDF, un vrai, doit être une loque, crade, puante, shootée, errante et sans but. Le croquemitaine d'aujourd'hui. Bien pratique comme épouvantail : travaillez plus pour gagner plus, sinon vous deviendrez SDF ! Accrochez vous au radeau (même s'il coule), si vous lâchez prise vous deviendrez SDF... Le côté clinique du sigle donne des airs objectifs à une nécrose de la pensée, qui passe sous silence l'espace de liberté qu'il y a - entre la mouise totale et subie, et l'embrigadement social, tout aussi subi.

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