vendredi

Décroissance pratique

La vie en camion est un petit laboratoire quotidien de la décroissance...

Tout d'abord, il y a la place, fort limitée. Même si c'est un duplex, la surface au sol ne dépasse pas les 3 m2. A peine plus qu'un tatami japonais. Pas question d'accumuler des choses superflues. Dans cet environnement les deux plus grands mérites d'un objet sont : son utilité et son (faible) encombrement. Et c'est fou, mais on fini par constater que dans ces 3m2 on a l'essentiel pour vivre.

Enuite il y a les flux. Dans un logement moderne certaines choses arrivent en quantité illimitée, au gré des besoins. L'eau, l'électricité, le gaz, le téléphone, internet arrivent en flux continu. Les ordures ménagères, les eaux usées, sont évacuées pareillement. Dans un camion, tout change. C'est un micro-cosme, un petit monde où tout est en quantité limitée. Il y a une réserve d'eau, une de carburant, des batteries, une bouteille de gaz, des poubelles et leur capacités sont (très) limitées. Le besoin de réapprovisionner (y compris en bouffe) ou d'évacuer oblige à prêter constament attention aux consommations et aux approvisionnements.

Et tout est lié : le carburant permet de se déplacer et de produire l'électricité des batteries. Le déplacement est nécessaire pour approvisionner en eau, en gaz, pour le ravitaillement et l'évacuation des déchets (hors de question de les jeter par dessus bord). Gaz et eau servent à préparer la ravito, indispensable à l'habitant/conducteur/capitaine du camion. L'életricité sert au confort à bord, à la connectivité numérique et... à démarrer le moteur. Quant aux consommables (sopalin, PQ, produits de toilette, de vaisselle, médicaments, ...) hors de question de faire un stock pour plus de quelques semaines.

Donc en camion, on décroît. En vrai. On consomme moins, on n'accumule pas. Et on apprend l'importance des infratructures (la route, les points d'eau, les sanitaires accessibles au public, les hotspots wifi), des lieux partagés (restaurants, cinés, bibliothèques) et... des amis !

jeudi

Loup de mer

Cet après-midi je me garais cours Berriat. Le créneau avec le camion est toujours un exercice subtil. Sans visibilité, tout se fait au rétro comme chez les camioneurs les plus habiles. La direction assistée en moins.

Un petit bonhomme barbu se cale sur le trottoir au niveau de la fenêtre passager et me guide avec assurance. "Faites moi confiance, j'en ai un pareil". Le camion trouve sa place le long du trottoir et je descends remercier le bonhomme. Nous discutons. Son engin, lui, a bien 600000 km au compteur. Le monsieur, pour sa part, a été mécano dans la marine marchande. Il connait la motorisation des Transporter sur le bout des doigts. Ne jamais trop tirer sur le moteur, me dit-il, ni le faire travailler à trop bas régime. Lui laisser le temps de chauffer et ne pas l'éteindre brutalement après s'être arrêté. Le joint torique de la pompe à diesel, une vraie merde à changer, quatre heures de main d'œuvre pour une pièce qui vaut quelques centimes.

On compare les aménagements. Lui a équipé son camion avec du mobilier amovible. Il a aussi un petit bateau, 5m50 à peu près. Il transbahute le frigo de son camion dans son bateau, avec le mobilier et les affaires. Un petit capteur solaire sur le roof et c'est marre. 15 jours dans les îles sans être dérangé.

Il ponctue ses phrases en tournant le visage vers le ciel, les yeux clos dans une délectation de quelques secondes, le temps de quelques mots.

Le bonhomme a bourlingué. Il a bossé à l'usine, a fait des heures de vol à l'aérodrome, avant la construction du Versoud. Son téléphone sonne : "j'arrive, j'étais en route". Nous avons discuté peut-être une demi-heure ? Une heure ? Le temps a repris son vol et le petit bonhomme barbu tourne au coin de la rue.

lundi

Met les watts

Dans mon camion, il y a le 220 ! J'ai posé un convertisseur 12 V->220 V pour pouvoir alimenter de petits appareils électriques n'importe où. Le modèle en question peut délivrer 400 Watts en régime normal et 800 W en pointe. Ca vaut le coup d'investir (une petite centaine d'Euros) dans un convertisseur costaud, les moins puissants sautent sans arrêt. Pour délivrer 400 W, l'appareil a besoin de consommer, sous 12 V, à peu près 40 ampères. J'ai donc tiré un câble de gros calibre directement de la batterie "bord" au convertisseur, avec juste un porte fusible sur un des fils (le '+') au plus près de la batterie. Sous le convertisseur j'ai placé un petit testeur de batterie qui permet de savoir quand elle est faiblarde.

Et voilà c'est bien cool. Je peux alimenter mon portable n'importe où :) Après quelques (4 à 6) heures de fonctionnement intensif, la batterie "bord" faiblit quand même. Sa charge reste suffisante pour l'éclairage, mais le convertisseur 220 se met hors service. Alors pour éviter ça, le bon plan c'est de profiter des trajets pour allumer le convertisseur et recharger les accus des appareils électriques.

Le camion comporte deux batteries : la batterie "moteur" et la batterie "bord". La première sert surtout à alimenter le démarreur, donc on n'a pas envie qu'elle soit à plat. Les équipements électriques de route (feux, clignos, ventilateur habitacle...) tirent sur cette batterie. La batterie "bord" sert aux équipements électriques de confort : éclairage, frigo, pompe évier principalement. Elle alimente le convertisseur 220.

Les deux batteries ont donc chacune leur domaine, mais sont rechargées ensemble quand le moteur tourne, grâce à un appareil magique : un "coupleur-séparateur".

Par acquis de conscience, j'ai un petit panneau solaire, qui doit être tout juste bon à maintenir la charge d'une batterie en cas de stationnement prolongé, mais je ne m'en suis jamais servi. Si la batterie moteur est faiblarde, une paire de câbles de batterie permet de la coupler à la batterie bord (s'il n'y a pas d'autre véhicule dans les parages). J'ai aussi toujours à bord un chargeur de batterie. Une rallonge 220 de vingt mètres permet d'alimenter le frigo depuis une borne, par exemple au camping.

Les tatanes

Dans mon camion, il y a une paire de tatanes... et elles me sont fort précieuses. C'est un modèle genre tatanes de maître nageur, tout en plastique avec un large passant au dessus du pied. Méprisable et anecdotique que tout ça ?? Non, non, fort technique.

Les tatanes sont essentielles dans les circonstances suivantes :
  • l'été quand on crève de chaud, pour aller à la plage, ... bon ça c'est évident
  • pour se déchausser en rentrant dans le camion. C'est agréable, mais surtout ça évite de le crotter
  • pour aller la nuit faire ses besoins pressants ; sinon, obligé de remettre ses godasses avant de sortir dehors. Alors bien sur, ça ne marche que si le sol extérieur est propre
  • et pour aller prendre une douche un peu n'importe où. Simplement parceque, dans les endroits collectifs, c'est pas toujours aussi propre qu'on voudrait

Donc voilà, il faut un modèle costaud, qu'on puisse enfiler avec des chaussettes et porter sous l'eau. Tongs, espadrilles, babouches molles : ça le fait pas.